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La dérivation mathématique classique de la force de Coriolis est assez ardue et surtout ne fournit pas, à mon avis, d’intuition sur l’origine et la consequence de cet effet. On propose donc ici une approche différente, plus concrète, basée sur le calcul de la déviation d’une balle de fusil tirée du pôle nord vers l’Equateur.
Un tireur situé au pôle nord tire une balle de fusil vers un point C situé sur l’Equateur.
Vue de l’espace ( pour un observateur qui suivrait la Terre dans sa course autour du Soleil mais non sa rotation sur elle même ) , la trajectoire de la balle est une droite : elle avance à une vitesse v, durant un temps t.
Mais pour un observateur terrestre qui se croit immobile, la balle apparaît être déviée vers l’ouest (en réalité on verra que plus généralement, cette déviation est toujours vers la droite ) , d’une distance d.
Il attribue cette déviation à une force, la force de Coriolis.
Calculons la déviation d par rapport à la trajectoire prévue NC, après un temps t de vol de la balle.Pendant le temps t, la balle a volé la distance D =v*t, et la Terre a tourné dans le sens anti-horaire, d’un angle A que nous allons calculer.
La Terre tourne à raison de 360° par 24 heures.Il est commode pour le calcul d’exprimer cette vitesse de rotation en radian/seconde ( 1 radian = angle de 57° environ) avec 360° =2Pi * rad.
La vitesse R de rotation de la Terre en radian/seconde est donc
R = 2Pi/(24*3600) = 0.00007 rad/s
Pendant le temps t, la Terre a tourné d’un angle A = R*t
Cet angle est petit, on peut l’assimiler à son sinus ce qui donne
sin(A) = A = d/D soit d = A*D
On remplace A par R*t et obtient
d= R*t*D et comme t=D/v, finalement
d= R*D²/v
La déviation d est donc proportionnelle à la vitesse de rotation de la Terre et au carré de la distance parcourue/vitesse.
Pour une balle de fusil volant à v = 1000 m/s, la déviation d à 100 mètres du tireur, est
d = 0.00007*10 000/1000 = 0.0007m soit 0.7mm
donc négligeable.
Pour un courant marin,ou une masse d’air, circulant à la vitesse de 3 m/s, soit 11 km/h environ, après un parcours de 100km,la déviation est
d=0.00007*(100 000)²/3 = 2.3 km environ
ce qui n’est plus du tout négligeable.
Dans ce cas la vitesse est bien moindre mais la distance parcourue jouant au carré, la déviation par rapport à la ligne droite devient considérable.
Le tireur est maintenant à Paris et veut que sa balle arrive sur le pôle Nord.En prévision de la force de Coriolis qui fera dévier la balle vers la droite de la trajectoire désirée, il oriente la carabine vers sa gauche.
Pour notre observateur situé dans l’espace , la trajectoire de la balle sera une droite qui passe par par le pôle.
Vue par un observateur fixe sur la Terre, la trajectoire est une courbe, démarrant vers l’ouest et se terminant au pôle nord.
Plus généralement, et ceci n’est pas évident, toute trajectoire ( rectiligne vue de l’Espace) parcourue dans l’hémisphère nord paraîtra courbée vers la droite par rapport au sens du mobile, vue de la Terre.Les sceptiques peuvent se livrer à la petite expérience décrite en Annexe 2.
Dans l’hémisphère nord, la force de Coriolis "tire" toute masse en déplacement vers sa droite, vers sa gauche dans l’hémisphère sud, aucun effet n’étant constaté à l’Équateur.
On voit que cette force n’est en réalité qu’une pseudo force, illusion due au repère en rotation constitué par la Terre.
En effet, vu de l’espace, aucune force ne se manifeste sur la balle qui se déplace en ligne droite, par inertie (notons au passage que celle ci est un Principe), la Terre tournant au dessous de cette trajectoire rectiligne.
Cette force croit avec la latitude du lieu, maximale aux pôles, nulle à l’Équateur.
En effet la force de Coriolis "tirant" l’eau vers la berge de droite (par rapport au sens d’écoulement), celle ci subit une usure plus rapide que l’autre berge, à l’origine de la formation des méandres.
Une voie de chemin de fer parcourue par des trains roulant toujours dans le même sens verra son rail droit ( par rapport au sens de circulation du train ) s’user plus que le rail gauche.
Ce phénomène est parfaitement mesurable.
Lors de la Grande Guerre, en 1918 la grosse Bertha, canon ennemi implanté à 110 km de Paris, tirait vers la Capitale des obus de 300 kg avec une vitesse initiale de 1500 m/s.
Après un temps de vol de 3 min environ, la déviation de l’obus à l’arrivée aurait été de près de 1600 m, si elle n’avait été prise en compte par les artilleurs
https://fr.wikipedia.org/wiki/Paris...
Par contre, contrairement à une légende folklorique, le sens de rotation de l’eau dans un lavabo qui se vide est tout à fait aléatoire : la force de Coriolis est négligeable par rapport aux frottements.
Un autre effet concret de la force de Coriolis est observé dans l’experience du pendule de Foucault.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Pendu...
En résumé, la pseudo-force de Coriolis cause une déviation apparente des objets mobiles par rapport à la Terre considérée comme fixe.
Dans l’hémisphère nord, cette déviation est orientée vers la droite par rapport au sens de la trajectoire, et ce quelque soit la direction dans laquelle on se dirige :N,S E ou Ouest.
On ré-écrit la déviation en remplaçant D par v*t
d= R*D²/v = R*v²*t²/v = R*v*t²
En dérivant deux fois par rapport au temps, on obtient l’accélération de Coriolis
AccCor = 2R*v
et donc la force de Coriolis sur une masse m au au pôle est :
FCor = 2m*A*v
proportionnelle à la vitesse de rotation terrestre et à la vitesse du mobile.
En un lieu de latitude L (L=0 à l’Equateur et L= 90° au pôle)
FCor = 2m*A*v*sin(L)
Une belle présentation précise et détaillée se trouve sur
http://claude.pastre.free.fr/coriol...
Reprise ici :
Sur une feuille de calque, on trace un arc de cercle de rayon 7 cm, centre N et on gradue 7 cm de circonférence tous les cm.
Une épingle en N traverse le calque et en dessous le papier.On aligne les deux repères 7.
En tournant le calque (sens anti-horaire) on amène le 6 du cercle sur la droite.On trace au crayon sur le calque le point à l’aplomb du repère 6 sur la droite.
On continue à tourner le calque en alignant les points du cercle 6,5..1 sur la droite et à tracer les points de trajectoire 6,5..1, puis finalement on relie 1 à N.
La trajectoire est bien courber vers la droite, vue de la Terre, et bien rectiligne vue de l’espace.
Plus généralement, on trace une droite quelconque ne passant pas par N et la gradue de 7 à 1 comme ci dessus.L’épingle toujours en, place, on fait tourner le calque et trace la trajectoire vue de la Terre : on constate qu’elle est systématiquement courbée vers sa droite.
Calcul de la force de Coriolis en utilisant le Lagrangien
On va montrer que l’utilisation de l’énergie d’un système, via son Lagrangien*, permet de limiter les calculs au domaine des scalaires et des dérivées, évitant ainsi la complexité des calculs vectoriels des forces (equation plus classique de Newton).
Un observateur A est fixe, son système d’axes est x,y et un point mobile se déplace à vitesse constante. Les composantes de sa vitesse sont x’(t) et y’(t), dérivées de x et y par rapport au temps t, abréviées x’ et y’ dans la suite.
Un deuxième observateur B est en rotation par rapport à A. Son système d’axes est X,Y.La vitesse angulaire, a, de rotation du repère X,Y est constante.
B perçoit le point mobile se déplaçant à la vitesse X’(t), Y’(t) et ce point lui parait soumis à des forces que nous allons calculer.
Les relations entre les coordonnées x,y et X,Y sont données par :
x = Xcos(a*t) +Ysin(a*t)
y = -X sin(a*t) +Ycos(a*t)
Rappel : Le Lagrangien est la difference entre l’énergie cinétique m*(x’² + y’²)/2 et l’énergie potentielle V(x,y) ( ne ne pas confondre V avec une vitesse).
Le Lagrangien pour A se résume à l’énergie cinétique m*(x’² + y’²)/2, car V=0 le point n’étant soumis à aucune force.
L = m/2(x’² + y’²)
Calculons maintenant ce Lagrangien dans le repère de B.
On commence par dériver x et y par rapport au temps ce qui donne :
x’ = X’cos(a*t) -a*Xsin(a*t) + Y’sin(a*t) + a*Ycos(a*t)
y’ = -X’sin(a*t)- -a*Xcos(a*t) + Y’cos(a*t) -a*Ysin(a*t)
On élève au carré et l’on somme pour obtenir :
x’² + y’² = X’² + Y’² + a²(X² + Y²) +2a( X’Y- Y’X ) (calcul un peu long mais sans difficulté)
D’où l’expression du Lagrangien dans le système en rotation
L = m/2(x’² + y’²) = m/2(X’² + Y’²) + m/2*a²(X² + Y²) +m*a( X’Y- Y’X )
Le premier terme
m/2(X’² + Y’²)
est l’énergie cinétique.
Pour interpreter le deuxième terme du Lagrangien, on pose
V = m/2*a²(X² + Y²)
Ce potentiel correspond à une force F= -dV/dr, soit
F selon X = -dV/dX = -m*a²X
F selon Y = -dV/dY = -m*a²Y
C’est la force centrifuge, proportionnelle au carré de la vitesse de rotation et à la distance de l’origine, négative car elle éloigne l’objet du repère mobile.
Il reste à expliciter le 3ème terme du Lagrangien.
Pour cela on utilise l’equation d’Euler-Lagrange pour X et Y
d/dt(dL/dX’) = dL/dX
d/dt(dL/dY’) = dL/dY
avec
L = m/2(X’² + Y’²) + m/2*a²(X² + Y²) +m*a( X’Y- Y’X )
Commençons par X’ et X
dL/dX’ = m* X’ + m*aY d’où d/dt(dL/dX’) = m*X"+ m*aY’
dL/dX = m*a²X -m*aY’
et en égalant
m*X"+ m*aY’= m*a²X -m*aY’
soit
m*X" = m*a²X -2m*aY’
Le même calcul pour Y donne
m*Y" = m*a²Y + 2m*aX’
La force totale (m*X",m*Y") est donc la somme de la force centrifuge (m/2X’², m/2Y’²) , et de la force de Coriolis (-2m*aY’,+ 2m*aX’) dont les composantes sont proportionnelles à la vitesse (X’ et Y’).
On note que cette force de Coriolis est proportionnelle à la vitesse du mobile, à la vitesse de rotation du repère tournant et orthogonale à la trajectoire.
En effet, le produit scalaire du vecteur vitesse par la force de Coriolis est toujours nul
(Vecteur vitesse) * Fcor = X’*(-2m*aY’) + Y’*(2m*aX’) = 0
*Reference : "Classical Mechanics, The Theoretical Minimum "par Leonard Susskind, un excellent livre de vulgarisation à bon niveau.Aussi recommandable, par le même auteur : "Quantum mechanics, The Theoretical Minimum".
Remerciements
A Alain (cosmic92), danielcrb et Pierre V. pour leur aide dans la rectification de mes erreurs de...trajectoire...
Bonjour Philippe
Suite à notre discussion de ce matin sur Coriolis, je suis allé voir sur ton blog. Dans ton chapitre sur la généralisation, tu discutes le cas d’un tir vers le nord. Dans l’hemispére nord la force de Coriolis dévit les mobile vers la droite donc la trajectoire devrait donc partir vers l’Est et non vers l’Ouest comme indiqué et representé sur la figure ?
Pour discussion prochainement
Bonjour Alain
eh non, je persiste et signe...ce qui prouve bien que le sujet n’est pas vraiment évident ni intuitif...
Pour t’en convaincre j’ ai ajouté une petite manip avec une feuille de papier blanc et un calque.Il suffit d’un compas, une règle et un crayon.
J’ai tracé une trajectoire rectiligne (vue de l’Espace) partant de l’Equateur et allant plein Nord : elle se courbe à droite.
J’ai tracé aussi une trajectoire rectiligne quelconque allant en gros de l’Ouest à l’Est : elle se courbe aussi à droite, plus fortement d’ailleurs.
Amitiés
Bonjour Philippe et Alain,
Agréablement surpris que l’on puisse discuter en un même lieu de mécanique automobile et de physique, je me permets de mettre mon grain de sel dans votre discussion sur la force de Coriolis.
A mon avis les points de vue (apparemment) divergents ci-dessus sont la conséquence d’un manque de rigueur dans certaines termes qui induisent des malentendus.
Alain dit : « tu discutes le cas d’un tir vers le nord. Dans l’hémisphère nord la force de Coriolis dévie les mobile vers la droite » C’est 100% exact. C’est le cas inverse du cas précédent où un tir depuis le pôle Nord vers l’équateur pour lequel la force de Coriolis induit une déviation vers l’Ouest. Donc effectivement si le tireur a son fusil rigoureusement parallèle au méridien qui passe sous ses pieds la trajectoire de la balle va tangenter ce méridien puis dévier progressivement vers l’Est et donc manquer l’axe des pôles. Et en effet ce n’est pas ce que montre la 2è figure ! Elle montre une trajectoire qui se termine au pôle Nord contrairement à ce qui vient d’être dit.
A mon avis la 2è figure est relative à un autre cas : le problème de l’artilleur (ou du chasseur).
« Sachant que la force de Coriolis va dévier la trajectoire vers l’Est je dévie mon fusil vers l’ouest afin d’anticiper son effet. » C’est l’analogue du chasseur qui tire sur un lapin qui court, il doit viser en avant du lapin sinon la balle passera derrière (bien que dans ce cas Coriolis n’y soit pour rien !).
Donc effectivement sur cette figure la trajectoire va d’abord vers l’Ouest, parce que le tireur en a décidé ainsi et a tourné son fusil, et pas à cause de Coriolis, puis elle s’incurve vers la droite (à peu près vers l’Est, mais pas tout à fait !) sous l’effet de la force de Coriolis. Et, grâce à cette astuce, passe finalement par le pôle Nord !
Philippe, ton commentaire au dessus de cette 2è figure est trompeur car il donne l’impression que tu traites le cas inverse du 1er cas à savoir un tir Equateur > pôle Nord le tireur pointant son fusil vers le pôle Nord, alors que ce n’est pas ce que montre la figure. En particulier la phrase « Le tireur est maintenant à Paris et vise le pôle nord » n’est pas exacte. Il aurait fallu dire : "Le tireur est à Paris et il veut que sa balle arrive sur le pôle Nord" Et justement pour cela il ne faut pas qu’il VISE le pôle Nord mais « Un peu plus à l’Ouest » comme dirait le professeur Tournesol
D’ailleurs le terme « viser » est ambigu, donc probablement à éviter, parce qu’i peut désigner soit la direction du fusil, soit la cible à atteindre. Dans un repère Galiléen c’est la même chose, mais pas dans un repère en rotation comme la Terre à cause de Coriolis.
Pour clarifier cela, je pense qu’il serait préférable de montrer successivement :
1) Tir pôle Nord > Equateur fusil pointé selon un méridien : cible manquée trop à l’Ouest.
2) Tir Equateur > pôle Nord fusil pointé selon un méridien : cible manquée trop à l’Est.
3) La solution de l’artilleur qui, de Paris, veut que son projectile tombe pile au pôle Nord en dépit de la force de Coriolis.
Amitiés, Daniel
Danielcrb
merci pour ces commentaires, j’ai rectifié le texte en consequence.
Heureux aussi de constater que ces petits textes techniques génèrent des commentaires pointus... faisant mentir le dicton "qu’il s’écrit plus de blogs qu’il ne s’en lit"...